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Les pionnières | La vocation des pionnières
Marie Françoise, que nous estimons et révérons comme celle « qui a donné l’élan », partit pour l’Océanie à 49 ans, prête à faire don d’elle-même à la mission, en tout et pour toujours. Ses lettres nous laissent entrevoir la foi sur laquelle s’appuyait ce don : une foi vécue au quotidien dans les petites choses qui faisaient la vie à Wallis et Futuna au dix-neuvième siècle ; une foi qui s’exprimait dans un grand amour de l’Eucharistie, dans la prière de chaque jour et dans la confiance en Dieu et en Marie.
En toute humilité, elle était capable de reconnaître les dons que Dieu lui avait faits dans son appel pour la mission. Elle parle de « faveurs spéciales » reçues au moment de son départ sur lesquelles elle pouvait mettre un nom et pour lesquelles elle resta toujours reconnaissante. Elle partage dans ses lettres quelque chose de sa foi en la Providence divine et de sa confiance en la protection de Marie. Lorsqu’elle demande une place pour l’Océanie au Capitaine Marceau, elle s’en remet à Dieu qui veille aux besoins des siens. « Une fois arrivée, Dieu pourvoira à ma subsistance » (Perroton-Marceau, été 1865, MFP Lettre 1, §1, NP I, 13). Plus tard, elle dira être partie : « comptant sur la Providence, laquelle ne m’a pas fait défaut » (Mont Carmel-M. du Coeur de Jésus, 07.09.1866, MFP Lettre 25,§2, NP III, 434).
Elle se donna à la mission malgré la solitude et l’isolement et il ne fait aucun doute que sa foi fut purifiée au creuset d’une souffrance aussi profonde. La solitude lui pesait beaucoup. Elle quitta effectivement Wallis pour l’Australie en 1854 mais, lorsque le bateau la laissa à Futuna, ce fut avec un courage renouvelé qu’elle y passa le reste de ses jours. Certains Pères avaient suggéré qu’elle rentre en France car ils trouvaient qu’elle était trop seule (cf. Junillon-Colin, 1853, NP I, 30). Le P. Poupinel, devinant sa souffrance, écrivait : « Seule elle saurait dire ce qu’elle a eu à souffrir de tristesse et d’angoisses pendant ces douze longues années, par suite de l’isolement où elle était réduite » (Poupinel-Vauthier, 15.06.1851, NP I, 81).
Son don à Dieu se réalisa aux heures de joie comme aux heures d’angoisse où elle regardait en face son insuffisance et même ses échecs. « Je ne fais que cheoir et me redresser » (Mont Carmel-Poupinel, 30.10. 1859, MFP Lettre 11, §3, NP I,160). Mais les autres voyaient le témoignage de sa vie, comme Sara, la jeune Futunienne, qui prit son nom lorsqu’elle devint religieuse.
L’épreuve la plus dure pour la foi se situe souvent au niveau des relations humaines. Marie Françoise connut cela : elle rencontra des difficultés avec Mgr Bataillon (ibid., MFP Lettre 11, §8), avec certains Pères, et quelquefois avec ses soeurs, même si elle parle toujours positivement d’elles dans ses lettres.
Marie Françoise vécut jusqu’à la fin le don qu’elle avait fait d’elle-même à la mission, peut-être même de façon plus profonde encore, quand elle connut la souffrance physique au cours de ses dernières années. Elle franchit cette étape en faisant confiance à l’amour infini de Dieu et à sa miséricorde sans limites, sachant qu’elle pouvait s’en remettre totalement à Lui pour la conduire au port : « Je m’abandonne à Dieu. Il est mon Père quoique je sois une indigne enfant » (Mont Carmel-Poupinel, 04.07.1780, MFP Lettre 50, §1, NP III, 570). C’est comme cela qu’elle parle d’elle. Avec du recul, nous la percevons, nous, comme quelqu’un qui a vécu totalement pour le Dieu qu’elle aimait et pour les Océaniens qu’elle a servis. Sa vie portait en elle la vivante semence d’un avenir pour celles qui, plus tard, venues de France comme elle ou d’autres pays très divers, mettraient leurs pas dans les siens.
Oh ! oui mes très honorées soeurs, je sens vivement le bonheur que m’a procuré le très digne et très Révérend Père Poupinel, en m’admettant toute indigne que j’en suis, à l’honneur que vous avez, d’appartenir spécialement à la Ste Vierge, vous toutes ferventes Lyonnaises qui ne sauriez démentir ce titre tant est grande en vous la piété qui vous distingua toujours envers la Mère de Dieu. Oh ! que de bon coeur, je m’unis à vos ferventes prières, désirant aussi partager vos mérites. Je vous félicite aussi du bonheur que vous éprouvez si souvent, dans cette Ste Chapelle de Fourvières, c’est là surtout, qu’il est doux de répandre son coeur dans celui de notre tendre Mère, qui se fait un plaisir d’écouter les demandes de Ses Enfans dévoués, et un devoir de les exaucer, […] (Mont Carmel-TOM, Lyon, 26.06.1859, MFP Lettre 10, §2).